Extraits du séminaire XXII de J.Lacan : «RSI »
07 novembre 2012

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LACAN Jacques
Séminaire d'été
Lacan

 

Lecture 1 : Leçon I du 10 décembre 1974[1]

« Je voudrais cette année vous parler du Réel, et commencer par vous faire remarquer que ces trois mots, Réel, Symbolique et Imaginaire ont un sens. Ce sont trois sens différents, mais vous pouvez aussi remarquer que j’ai dit trois sens, comme ça, parce que ça semble aller tout seul ; mais s’ils sont différents, ça suffit-il pour qu’ils fassent trois, s’ils sont aussi différents que je le dis ? D’où la notion de commune mesure, qui est difficile à saisir, sinon à y définir l’unité comme fonction de mesure. Y’en a tant, un, deux, trois. Encore faut-il, pour qu’on puisse dire qu’il y en a tant, encore faut-il fonder cette unité sur le signe, que ce soit un signe ou que ce soit écrit égale, ou bien que vous fassiez deux petits traits pour signifier égale, l’équivalence de ces unités. Mais si, par hasard, ils étaient autres, si je puis dire, l’un à l’autre, nous serions bien embarrassés et, après tout, ce qui en témoignerait, ce serait le sens lui-même du mot autre. Encore faut-il distinguer, dans ce sens d’autre, l’autre fait d’une distinction définie par un rapport extérieur/intérieur, par exemple, comme Freud le fait, qu’il le veuille ou pas, dans sa seconde topique qui se supporte d’une géométrie du sac où vous voyez une chose, quelque part dans les Nouvelles Conférences, une chose qui est censée contenir, contenir quoi ? C’est drôle à dire, c’est les pulsions. C’est ça qu’il appelle le Ça. Naturellement, ça le force à y rajouter un certain nombre d’ustensiles, une sorte de lunule, qui tout d’un coup transforme ça en une sorte de vitellus sur lequel se différencierait un embryon. Ce n’est évidemment pas ce qu’il veut dire, mais c’est regrettable que ça le suggère. Tels sont les désavantages des figurations imagées. Je ne vous dis pas tout ce qu’il est forcé de rajouter encore, sans compter je ne sais quelles hachures qu’il intitule du Surmoi. Cette géométrie du sac, c’est bien ce quelque chose à quoi nous avons affaire au niveau de la topologie, à ceci près que, comme peut-être l’idée vous en est venue, ça se crayonne sur une surface et que le sac, nous sommes forcés de l’y mettre ; sur une surface ça fait un rond et, de ce rond, il y a un intérieur et un extérieur.

C’est avec ça qu’on est amené à écrire l’inclusion, à savoir que quelque chose, I par exemple, est inclus dans un E, un ensemble. L’inclusion, vous savez peut-être comment ça s’écrit, comme ça, ⊂ , d’où l’on a déduit un peu vite qu’on pouvait glisser de l’inclusion, qui est là au-dessus au signe inférieur à, à savoir que I est plus petit que E, ce qui est une imbécillité manifeste.

Voilà donc le premier autre, autre défini de l’extérieur à l’intérieur. Seulement, il y a un autre Autre, celui que j’ai marqué d’un grand A, qui, lui, se définit de n’avoir pas le moindre rapport, si petit que vous l’imaginiez… quand on commence à se véhiculer avec des mots, on est tout de suite dans des chausse-trappes. Parce que ce si petit que vous l’imaginiez, eh bien ! ça remet dans le coup l’imaginaire, et quand vous remettez dans le coup l’imaginaire, vous avez toutes les chances de vous empêtrer. C’est comme ça même qu’on est parti pour l’infinitésimal : il a fallu se donner un mal de chien pour le sortir de l’imaginaire.

Qu’ils soient trois, ce Réel, ce Symbolique et cet Imaginaire, qu’est-ce que ça veut dire? Il y a deux pentes. Une pente qui nous entraîne à les homogénéiser, ce qui est raide ; parce que quel rapport ont-ils entre eux ? Eh bien ! c’est justement là ce dans quoi cette année je voudrais vous frayer la voie. On pourrait dire que le Réel, c’est ce qui est strictement impensable. Ça serait au moins un départ. Ça ferait un trou dans l’affaire et ça nous permettrait d’interroger ce qu’il en est de, n’oubliez pas, ce dont je suis parti, à savoir de trois termes en tant qu’ils véhiculent un sens. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de sens, surtout si vous y introduisez ce que je m’efforce de vous faire sentir ? »

[1]LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du10 décembre 1974), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 13-14)

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Lecture 2 : Leçon I du 10 décembre 1974[2]

« Ce sont de près, des points que nous aurons à élaborer, puisqu’aussi bien ce sont ceux qui nous interrogent.

Un point que je suggère est d’ores et déjà celui-ci, pour revenir à Freud, c’est à savoir ce quelque chose de triadique, il l’a énoncé Inhibition, Symptôme, Angoisse.

Je dirai que l’inhibition, comme Freud lui-même l’articule, est toujours affaire de corps, soit de fonction. Et pour l’indiquer déjà sur ce schéma [figure I-8], je dirai que l’inhibition, c’est ce qui quelque part s’arrête de s’immiscer, si je puis dire, dans une figure qui est figure de trou, trou du Symbolique. Nous aurons à discuter cette inhibition pour savoir si ce qui se rencontre chez l’animal, où il y a dans le système nerveux des centres inhibiteurs, est quelque chose qui est du même ordre que cet arrêt du fonctionnement en tant qu’imaginaire, en tant que spécifié chez l’être parlant, s’il est concevable que quelque chose soit du même ordre, à savoir la mise en fonction dans le névraxe, dans le système nerveux central, d’une activité positive en tant qu’inhibitrice. Comment est-il concevable que l’être présumé n’avoir pas le langage se trouve conjoindre dans le terme d’inhibition quelque chose du même ordre que ce que nous saisissons là, au niveau de l’extériorité du sens, que ce que nous saisissons là comme relevant de ce qui se trouve en somme extérieur au corps, à savoir comme surface pour la topologiser de la façon dont je vous ai dit que c’est assurément seulement sur deux dimensions que ceci se figure, comment l’inhibition peut avoir affaire à ce qui est effet d’arrêt qui résulte de son intrusion dans le champ du Symbolique.

Il est, à partir de ceci, et pas seulement à partir, il est tout à fait saisissant de voir que l’angoisse, en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel, il est tout à fait sensible de voir que c’est cette angoisse qui va donner son sens à la nature de la jouissance qui se produit ici, sous a, Du recoupement mis en surface, du recoupement eulérien du Réel et du Symbolique.

Enfin, pour définir le troisième terme, c’est dans le symptôme que nous identifions ce qui se produit dans le champ du Réel. Si le Réel se manifeste dans l’analyse et pas seulement dans l’analyse, si la notion de symptôme a été introduite, bien avant Freud par Marx, de façon à en faire le signe de quelque chose qui est ce qui ne va pas dans le Réel, si en d’autres termes, nous sommes capables d’opérer sur le symptôme, c’est pour autant que le symptôme est l’effet du Symbolique dans le Réel. C’est pour autant que ce Symbolique, tel que je l’ai dessiné ici, doit se compléter ici, et pourquoi est-ce extérieur ? c’est ce que j’aurai à manipuler pour vous dans la suite, c’est pour autant que l’inconscient est pour tout dire ce qui répond du symptôme. C’est pour autant que ce nœud, ce nœud, lui bien réel quoique seulement reflété dans l’Imaginaire, c’est pour autant que ce nœud rend compte d’un certain nombre d’inscriptions par quoi des surfaces se répondent, que nous verrons que l’inconscient peut être responsable de la réduction du symptôme.

[2] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 10 décembre 1974), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 25-26)

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Lecture 3 : Leçon II du 17 décembre 1974[3]

Et c’est en cela que je prétends que cet apparent modèle qui consiste dans ce nœud, ce nœud borroméen, fait exception quoique situé lui aussi dans l’Imaginaire, fait exception à cette supposition, de ceci, que ce qu’il propose, c’est que les trois qui sont là fonctionnent comme pure consistance, c’est à savoir que ce n’est que de tenir entre eux qu’ils consistent. Les trois tiennent entre eux réellement, ce qui implique la métaphore tout de même, et ce qui pose la question de quelle est l’erre, au sens où je l’entendais l’année dernière, quelle est l’erre de la métaphore.

[3] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 17 décembre  1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 31)

 

Lecture 4 : Leçon IV du 21 janvier 1975[4]

L’important est la référence à l’écriture. La répétition du symptôme est ce quelque chose dont je viens de dire que, sauvagement, c’est écriture, ceci pour ce qu’il en est du symptôme tel qu’il se présente dans ma pratique. Que le terme soit sorti d’ailleurs, à savoir du symptôme tel que Marx l’a défini dans le social, n’ôte rien au bien fondé de son emploi dans, si je puis dire, le privé. Que le symptôme dans le social se définisse de la déraison, il n’empêche pas que, pour ce qui est de chacun, il se signale de toutes sortes de rationalisations. Toute rationalisation est un fait de rationnel particulier, c’est-à-dire non pas d’exception, mais de n’importe qui. Il faut que n’importe qui puisse faire exception pour que la fonction de l’exception devienne modèle. Mais la réciproque n’est pas vraie. Il ne faut pas que l’exception traîne chez n’importe qui pour constituer, de ce fait, modèle. Ceci est l’état ordinaire. N’importe qui atteint la fonction d’exception qu’a le père, on sait avec quel résultat, celui de sa Verwerfung, ou de son rejet, dans la plupart des cas, par la filiation que le père engendre avec les résultats psychotiques que j’ai dénoncés.

Un père n’a droit au respect, sinon à l’amour, que si le dit, le dit amour, le dit respect, est, vous n’allez pas en croire vos oreilles, père-versement orienté, c’est-à-dire fait d’une femme, objet petit a qui cause son désir.

[4] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 21 janvier 1974), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 63)

Cliquez sur le lien pour lire Le commentaire de Marc Darmon

 

Lecture 5 : Leçon IV du 21 janvier 1975[5]

Une femme d’abord, la question [ne] se pose que pour l’autre, c’est-à-dire de celui pour lequel il y a un ensemble définissable par cette chose qui est inscrite au tableau. C’est pas J (φ), c’est pas la jouissance phallique, c’est ça, Φ ; Φ ça ek-siste, Φ c’est le phallus. Qu’est-ce que c’est que le phallus ? Ben, comme bien sûr on traîne… hum ! enfin c’est moi qui traîne bien sûr… qui traîne tout ce charroi, enfin ! alors je vous le dirai pas aujourd’hui, ce que c’est que le phallus.

Enfin quand même, vous pouvez en avoir tout de même un petit soupçon. Si la jouissance phallique est là, c’est que le phallus, ça doit être autre chose hein? Alors, le phallus, qu’est-ce que c’est? Enfin, je vous pose la question parce que je peux pas m’étendre comme ça aujourd’hui trop longtemps. C’est la jouissance sans l’organe, ou l’organe sans la jouissance? Enfin, c’est sous cette forme que je vous interroge pour donner sens, hélas! à cette figure.

Enfin ! je vais sauter le pas. Pour qui est encombré du phallus, qu’est- ce qu’une femme ? C’est un symptôme. C’est un symptôme et ça se voit, ça se voit de la structure là que je suis en train de vous expliquer. Il est clair que s’il n’y a pas de jouissance de l’Autre comme telle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de garant rencontrable dans la jouissance du corps de l’Autre qui fasse que jouir de l’Autre comme tel ça existe, ici est l’exemple le plus manifeste du trou, de ce qui [ne] se supporte que de l’objet a lui-même, mais par maldonne, par confusion. Une femme, pas plus que l’homme, n’est un objet a. Elle a les siens, que j’ai dit tout à l’heure, dont elle s’occupe, ça n’a rien à faire avec celui dont elle se supporte dans un désir quelconque. La faire symptôme, cette une femme c’est tout de même la situer dans cette articulation au point où la jouissance phallique comme telle est aussi bien son affaire. Contrairement à ce qui se raconte, la femme n’a à subir ni plus ni moins de castration que l’homme. Elle est, au regard de ce dont il s’agit dans sa fonction de symptôme tout à fait au même point que son homme.

[5] LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 21 janvier 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 64-65)

Cliquez sur le lien pour lire Le commentaire de Marie-Charlotte Cadeau

 

Lecture 6 : Leçon V du 11 février 1975

 

Il est certain que quand j’ai commencé à faire le séminaire Les Noms-du-Père, et que j’ai, comme certains le savent, au moins ceux qui étaient là, que j’y ai mis un terme, j’avais sûrement — c’est pas pour rien que j’avais appelé ça Les Noms-du-Père et pas Le Nom-du-Père! J’avais un certain nombre d’idées de la suppléance que prend le domaine, le dis- cours analytique, du fait de cette avancée par Freud des Noms-du-Père, ce n’est pas parce que cette suppléance n’est pas indispensable qu’elle n’a pas lieu. Notre Imaginaire, notre Symbolique et notre Réel sont peut-être pour chacun de nous encore dans un état de suffisante dissociation pour que seul le Nom-du-Père fasse nœud borroméen et tenir tout ça ensemble, fasse nœud du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel. Mais ne vous imaginez pas que, ce serait bien pas dans mon ton habituel, je sois en train de prophétiser que du Nom-du-Père dans l’analyse et aussi bien que du Nom-du-Père ailleurs, nous puissions d’aucune façon nous passer pour que notre Symbolique, notre Imaginaire et notre Réel, comme c’est votre sort à tous ne s’en aillent très bien chacun de son côté. Il est certain que, sans qu’on puisse dire que ceci constitue un progrès, car on ne voit pas en quoi un nœud de plus sur le dos, sur le col et ailleurs ! on ne voit pas en quoi un nœud, un nœud réduit à son plus strict constituerait un progrès, de ce seul fait que ce soit un minimum, ça constitue sûrement un progrès dans l’Imaginaire, c’est-à-dire un progrès dans la consistance. Il est bien certain que dans l’état actuel des choses, vous êtes tous et tout un chacun aussi inconsistants que vos pères, mais c’est justement du fait d’en être entièrement suspendus à eux que vous êtes dans l’état présent.

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 11 février 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 85)

(Lecture commentée par Nicolas Dissez)

 

Lecture 7 : Leçon VI du 18 février 1975

 

Que dire ? Que dire sinon que ce que la figure centrale met en évidence, c’est que la droite infinie qui s’y figure, la droite dite infinie, mais dont

j’ai fait remarquer à l’occasion ce que ça suppose, à savoir à proprement parler l’impossible, que cette droite infinie s’oppose, s’oppose du fait de sa rupture, et cette rupture, comment ne pas la considérer comme affine à quelque chose qui est bien l’essentiel du nœud, cette droite s’oppose à ce qui fait rond comme ce que j’ai appelé la consistance, à d’autre part quelque chose, sur quoi je n’ai pas appuyé la dernière fois et qui est bien ce qui fait l’essentiel de ce que nous appelons un rond, et nommément un rond de ficelle, c’est-à-dire le trou qu’il y a au milieu. D’où l’interrogation que j’ai posée la dernière fois de savoir s’il n’y avait pas correspondance, correspondance de la consistance, de l’ek-sistence et du trou à chacun même des termes que j’avance comme Imaginaire, Symbolique et Réel. Si la consistance est bien comme je l’ai énoncé la dernière fois de l’ordre de l’Imaginaire, puisqu’aussi bien c’est vers ce point de fuite de la ligne mathématique que la corde s’en va, nous avons à nous interroger sur ce qu’il en est de ce qui fait le rond de ficelle comme tel, et que si nous disons que c’est le trou, c’est un fait que nous n’en sommes pas satisfaits : qu’est-ce qu’un trou, si rien ne le cerne ?

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 18 février 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 92)

Cliquez sur le lien pour lire Le commentaire de Jean-Pierre Rossfelder

 

Lecture 8 : Leçon VII du 11 mars 1975

 

C’est ça les Noms-du-père, les noms premiers, en tant qu’ils nomment quelque chose comme l’indique — oui ! comme l’indique la Bible à propos de cet extraordinaire machin qui y est appelé Père, le premier temps de cette imagination humaine qu’est Dieu est consacré à donner un nom, mon Dieu ! à quelque chose qui n’est pas indifférent, à savoir un nom à chacun des animaux. Bien sûr, avant la Bible, c’est-à-dire l’écriture, il y avait une tradition, ça n’est pas venu de rien…

 

Voilà. Alors, comment le Symbolique — le Symbolique comme ça que, dont j’ai fait remarquer simplement qu’il a son poids dans la pratique analytique, comment le Symbolique, c’est-à-dire ce que d’ordinaire on appelle le bla-bla, ou encore le Verbe, tout ça c’est pareil, comment cela cause-t-il le sens ? Voilà la question que je ne vous pose qu’à en avoir la réponse. Est-ce que c’est dans l’idée de l’inconscient ? Est-ce que c’est ça que je dis depuis le premier discours de Rome ? — Points d’interrogation, hein! — C’est pas dans l’idée de l’inconscient, c\’est dans l’idée que l’inconscient ek-siste, écrit comme je l’écris, c’est-à-dire qu’il conditionne le Réel, le Réel de cet être que je désigne du parlêtre. Il nomme les choses, comme tout à l’heure je l’évoquai, là, à propos de ce batifolage premier de la Bible au Paradis Terrestre. Il nomme les choses pour ce parlêtre, c’est-à-dire que cet être qui lui-même est une espèce animale, mais qui en diffère singulièrement. Il n’est animal qu’en ceci, parce que ça veut rien dire animal, hein! ça ne veut rien dire que de caractériser l’animal par sa façon de se reproduire, sexué ou pas sexué, un animal, c’est ça, c’est ce qui se reproduit.

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 11 mars 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 102-103, 105).

Cliquez sur le lien pour lire Le commentaire de Chantal Gaborit-Stern

 

Lecture 9 : Leçon VIII du 18 mars 1975

 

Tout couple, tout ce qu\’il y a de couple se réduit à l’Imaginaire, la négation est aussi bien façon d’avouer, Verneinung, Freud y insiste dès le début, façon d’avouer là où seul, l’aveu est possible parce que l’Imaginaire, c’est la place où toute vérité s’énonce et une vérité niée a autant de poids imaginaire qu’une vérité avouée, Verneinung que Bejahung.

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 18 mars 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 129).

(Lecture commentée par Virginia Hasenbalg-Corabianu)

 

Lecture 10 : Leçon IX du 8 avril 1975

 

Mais référez-vous simplement à des termes tels que ceux que Freud avance concernant ce qu’il appelle l’identification. Je vous propose en clôture de cette séance d’aujourd’hui ceci, l’identification, l’identification triple telle qu’il l’avance, je vous formule la façon dont je la définis : s’il y a un Autre réel, il n’est pas ailleurs que dans le nœud même et c’est en cela qu’il n\’y a pas d’Autre de l’Autre. Cet Autre réel, faites-vous identifier à son Imaginaire, vous avez alors l’Identification de l’hystérique au désir de l’Autre, celle qui se passe ici en ce point central. Identifiez-vous au Symbolique de l’Autre Réel, vous avez alors cette identification que j’ai spécifiée de l’einziger Zug, du trait unaire. Identifiez-vous au Réel de l’Autre réel, vous obtenez ce que j’ai indiqué du Nom-du-Père, et c’est là que Freud désigne ce que l’identification a à faire avec l’amour.

Je parlerai la prochaine fois des trois formes de Noms-du-père, celles qui nomment comme tels, l’Imaginaire, le Symbolique et le Réel, car c’est dans ces noms eux-mêmes que tient le nœud.

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 18 mars 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 130).

( Lecture commentée par Martine Lerude)

Lecture 11 : Leçon IX du 8 avril 1975

 

Dire il n\’y a pas de rapport sexuel part de l’idée d’une φυσις, à savoir de quelque chose qui ferait du sexe un principe d’harmonie. Rapport, ça veut dire jusqu’à ce jour pour nous, proportion. L’idée qu’avec des mots on pouvait reproduire ça, que les mots étaient destinés à faire sens, que l’être étant, il en résulte comme par exemple, que le non-être n’est pas. Oui ! Il y a encore des gens pour qui ça fait sens. Le sens parménidien, là, comme ça, à l’origine, est devenu un bavardage, et il ne vient à l’idée de personne que ce n’est pas là proprement le signe que c’est du vent, flatus vocis ! Je ne dis pas du tout qu’ils ont tort, c’est bien le contraire, ils me sont précieux, ils prouvent que le sens va aussi loin dans l’équivoque qu’on peut le désirer pour mes thèses, c\’est-à-dire pour le dis- cours analytique, à savoir qu’à partir du sens se jouit, s’ouï-je, s-apostrophe-oui-je, j’ouisse moi-même, souis-je m’assoter de mots. Naturellement, naturellement, il y a mieux. À ceci près que le mieux, comme dit la sagesse populaire, est l’ennemi du bien. De même que le plus-de-jouir provient de la père-version, de la version a-per-(e)-itive du jouir. On n’y peut rien. Le parlêtre n’aspire qu’au bien, d’où il s’enfon- ce toujours dans le pire. Ça n’empêche qu’il ne peut pas s’y refuser, hein ! Même pas moi. Là, je suis un grain comme vous tous, broyé dans cette salade. L’ennui, c’est que chacun sait que ça a de bons effets… Je parle de l’analyse! Que ces bons effets ne durent qu’un temps n’empêchent pas que c’est un répit, et que c’est mieux, c’est le cas de le dire, que de ne rien faire. C’est un peu embêtant quand même! C’est un embêtant contre quoi on pourrait essayer d’aller, malgré le courant, n’est-ce pas. Parce

que c’est malgré tout de nature à prouver l’ek-sistence de Dieu lui- même. Tout le monde y croit ! Je mets au défi chacun d’entre vous que je ne lui prouve pas qu’il croit à l’ek-sistence de Dieu ! C’est même ça le scandale. Le scandale que la psychanalyse seule fait valoir. Elle le fait valoir parce qu’actuellement il n\’y a plus que la psychanalyse qui le prouve. Je parle de le prouver. C’est pas du tout pareil que de vous prou- ver que vous y croyez. Formellement, ceci n’est dû qu’à la tradition juive de Freud, laquelle est une tradition littérale qui le lie à la science, et du même coup au Réel. C’est ça le cap qu\’il y a à doubler.

LACAN (Jacques), R. S. I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 18 mars 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (pages 141-142).

Cliquez sur le lien pour lire Le commentaire de Valentin Nusinovici

 

Lecture 12 : Leçon X du 15 avril 1975

 

Encore ce nœud faut-il le faire.

La notion de l’inconscient se supporte de ceci que ce nœud, non seulement on le trouve déjà fait, mais on [le] trouve fait en un autre accent du terme: «On est fait!». On est fait de cet acte X par quoi le nœud est déjà fait. Il n’y a pas d’autre définition, à mon sens, possible de l’inconscient. L’inconscient, c’est le Réel, je mesure mes termes. Si je dis c’est le Réel en tant qu’il est troué, je m’avance. Je m’avance un petit peu plus que je n’en ai le droit, puisqu’il n\’y a que moi qui le dis, qui le dis encore, bientôt tout le monde le répétera et, à force qu’il pleuve dessus, ça finira par faire un très joli fossile. Mais, en attendant, c’est du neuf ! Mais jusqu’à présent, il y a que moi qui ai dit qu’il n’y avait pas de rapport sexuel, et que ça faisait trou en un point de l’être, du parlêtre. Le parlêtre, c’est pas répandu hein ! Mais, quand même, c’est comme la moisissure, ça a tendance à l’expansion. Alors, contentons-nous de dire que l’inconscient c’est le Réel en tant qu’il est affligé… — Vous vous en allez, vous avez bien raison. Comment est-ce qu’on peut supporter ce que je raconte ! — que l’inconscient, c’est le Réel, en tant que chez le parlêtre, il est affligé de la seule chose qui fasse trou, qui du trou nous assure, c’est ce que j’appelle le Symbolique, en l’incarnant dans le signifiant, dont en fin de compte il n\’y a pas d’autre définition que c’est ça, le trou. Le signifiant fait trou.

LACAN (Jacques), R.S.I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 15 avril 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 153)

(Lecture commentée par Jean-Jacques Tyszler)

 

Lecture 13 : Leçon X du 15 avril 1975

 

Le couple, bien sûr, qu’il était nouable, quelles que soient les paroles pleines qui l’ont fondé. Ce que l’analyse démontre, n’est-ce pas, ce qu’elle démontre, d’une façon tout à fait sensible, c’est qu’il est mal- gré ça noué. Il est noué par quoi, hein ? Par le trou. Par l’interdit de l’in- ceste. Oui, il n’y a pas tellement de gens qui ont mis ça en valeur. Il faut tout de même le dire, dans la religion juive, il y avait un truc quand même que je voulais vous dire là comme ça, au passage — pourquoi est- ce qu’ils n’ont pas bonne presse, hein, ces Juifs? Ben, je vous mets ça dans votre poche, parce que ça remet les choses au point. C’est parce qu’ils sont pas gentils. S’ils étaient gentils, ben ! ils seraient pas Juifs quoi. Ça arrangerait tout! — C’est l’interdit de l’inceste. Il y a quand même des gens qui sont parvenus à faire émerger ça dans des mythes, et même, les Hindous sont après tout vraiment les seuls qui ont dit qu’il fallait quand on avait couché avec sa mère, qu’on s’en aille, je ne sais plus vers l’Orient ou vers le Couchant, je crois que c’est vers le Couchant, vers le Couchant avec sa propre queue dans ses dents, après l’avoir tranchée bien entendu!

Ouais! Nous ne considérons pas le fait de l’interdit de l’inceste comme historique. Il est bien entendu historique, mais il faut tellement le chercher dans l’histoire que, comme vous voyez, j’ai fini par trouver ça chez les Hindous, et on peut dire que là on en tient un bout hein! C’est pas historique, c’est structural. C’est structural, pourquoi ? Parce qu\’il y a le Symbolique. Ce qu’il faut arriver à bien concevoir c’est le trou du Symbolique en quoi consiste cet interdit. Il faut du Symbolique pour qu’apparaisse individualisé dans le nœud ce quelque chose que, moi, je n’appelle pas tellement le complexe d’Œdipe, c’est pas si complexe que ça. J’appelle ça le Nom-du-Père. Ce qui ne veut rien dire que le Père comme Nom, ce qui ne veut rien dire au départ, non seulement le père comme nom, mais le père comme nommant.

LACAN (Jacques), R.S.I., (Séminaire 1974-1975, leçon du 15 avril 1975), Éditions hors commerce de l’Association lacanienne internationale, 2002 (page 60).